Son histoire

Son histoire

Fouilles archéologiques 2007

La municipalité de Chevagnes avait acquis en 2006 un terrain qu’elle destinait à lotissement. Une campagne de fouilles préventives était alors menée par l’INRAP.

Sur une partie du terrain, les archéologues retrouvaient les traces de constructions anciennes qui faisaient alors l’objet d’un examen de la DRAC.

Un coup d’œil sur le cadastre Napoléonien montre qu’à l’époque, les ruines d’un château avec pont-levis, entourées de douves alimentées par un étang voisin, étaient encore visibles et bien tracées. Grâce aux archives, on peut retrouver des indices dans l’histoire du village de Chevagnes.

Les documents et cartes du XVIIIe siècle désignent généralement Chevagnes sous le nom de Chevaignes ou Chevanne-le-Roy » en souvenir de la maison royale édifiée par François de Valois-Angoulème, roi de France, maître de Chevagnes et du Bourbonnais.

En remontant un peu en arrière, on sait que le duc Louis II de Bourbon détenait le fief de Chevagnes en seigneurie directe : en 1384, il achète avec son épouse Anne Dauphine d’Auvergne une place pour y construire une maison.

Ce modeste « hostel » ne peut correspondre aux ruines mises au jour car il était situé dans Chevagnes, près du pont qui relie la place de l’Eglise à la Madeleine, au bord de l’Acolin, sur la rive droite, entre la rivière et le chemin de Paray-le-Frésil.

La duchesse Anne de Beaujeu en hérite et en fait don mais achète, la même année, un domaine au seigneur de « la Motte-de-Chapeau », sur la rive gauche de l’Acolin. Domaine qui revint plus tard entre les mains du Connétable et de son épouse Suzanne.

Des lettres datées de 1516 prouvent qu’ils y avaient une résidence. Les ruines retrouvées correspondraient-elles à cette résidence ? Certes, le Connétable fit édifier entre la Motte et l’Acolin une construction dont on ignore d’ailleurs l’état d’achèvement lors de sa fuite en 1523. Mais il s’agissait surtout d’un rendez-vous de chasse.

Les biens du Connétable furent confisqués au profit de la royauté et François 1er séjourna à Chevagnes en février-mars 1538, au lendemain de la trêve de Monçon qui suspendit sa lutte contre Charles-Quint. Il fit reprendre les travaux, mais cette fois sur un emplacement voisin.

Marie Litaudon cite dans les archives du Château de la Fin un « dénombrement des héritages qui composent le domaine de la Mothe », document établi dans la seconde moitié du XVIIIe qui mentionne deux corps de bâtiments : d’une part, un grand corps de logis, des granges, une cour autrefois entourée de murs, (…), le tout environné de fossés, constituant le château de la Motte qui fut la Maison Royale de François 1er. A côté, entre les fossés du château et la rivière Acolin, une «motte couverte de broussailles portant des vestiges d’habitation, avec fossés, levée», vraisemblablement le pavillon du Connétable.

On a une idée plus précise de ce à quoi ressemblait la Maison Royale de François 1er grâce à l’état des lieux dressé en 1656 par les experts du roi Louis XIV, d’un château qui semble correspondre aux ruines retrouvées récemment : « la Maison Royale est entourée de fossés alimentés par une dérivation de l’Acolin, on y accède par l’ouest par un portail ouvrant sur une cour de 21 toises de long sur 15 de large (soit 41 m sur 30 m environ). Le corps principal d’habitation situé au nord de la cour a trois étages de chacun cinq pièces. A l’est et à l’ouest se dressent d’autres logis avec dépendances, granges, écuries et remise. Au sud, pas de construction ».

On peut imaginer le décor des battues royales données à Chevagnes. La vie et le mouvement, l’éclat de la Maison du Roi avec ses centaines d’archers français et écossais, la foule de gentilshommes attachés à son service, à la maison de la Reine mais aussi de la riche dauphine Catherine de Médicis, nièce du Pape Clément. Tout le personnel des cuisines, des chasses, des écuries s’affairant pour préparer les repas et les chasses…

François 1er séjourne pour la dernière fois à Chevagnes en 1546, un an avant sa mort, et y signe d’ailleurs des « lettres royaux ».

On pense que le Roi Henri II chassera encore à Chevagnes à l’occasion de ses séjours à Moulins, en particulier en 1548, à l’occasion du mariage de la célèbre Jeanne d’Albret.

Catherine de Médicis y séjourne également, plus longuement, entre 1560 et 1568, car Nicolas de Nicolay précise que  » la grande garenne de Chevagnes n’est pas baillée à ferme (…) car elle est réservée pour les plaisirs de Monseigneur le Duc ». Le Duc du Bourbonnais a 18 ans, c’est le jeune frère du roi Charles IX et le préféré de sa mère.

Par la suite, le château sera entre les mains d’un « capitaine du chastel et parc de Chevagnes ».

Il est encore habitable et habité sous Henri IV et sous Louis XIII, date où l’on commence à l’appeler « La Motte » en souvenir du pavillon édifié par le Connétable. Mais quand, lors de son passage à Moulins, Louis XIV en fait don à la reine-mère Anne d’Autriche et à la duchesse de Montmorency retirée à la Visitation de Moulins, le château est en triste état. Le domaine cependant a gardé de sa valeur et fera l’objet de multiples transactions.

Les ruines retrouvées illustrent le passé trop souvent oublié de Chevagnes, une époque où le village – certainement stupéfait – a vécu au rythme et dans le faste de la Maison Royale.

Une habitation seigneuriale fortifiée des XIIIe et XVIe siècles mise au jour

D’après les premiers prélèvements et des photos aériennes, les archéologues s’attendaient à trouver quelque chose à Chevagnes. Mais pas à une telle découverte ! Un site d’un type peu connu, beaucoup plus complexe que la motte castrale à laquelle ils s’attendaient et dans un état de conservation exceptionnel.

Ils ont mis au jour un site médiéval daté début XIIIe-fin XIVe. Donc bien antérieur à l’époque du passage de François 1er mentionné par Marie Litaudon. Il s’agit d’une structure circulaire abritant une habitation seigneuriale en bois et terre, fortifiée par un fossé de 10 m de large sur 2 m de profondeur.

Le bâtiment a visiblement brûlé. Les poutres et les déblais incendiés ont été jetés dans le fossé. Une bénédiction pour les archéologues puisque l’humidité les a conservés !

Ont été retrouvés, entre autres, des tavaillons (tuiles de bois), une panne sablière (poutre du toit taillée), etc. Le plus spectaculaire étant incontestablement le pont d’accès, conservé quasiment dans son intégralité avec les poteaux encore plantés et les planches tombées sur le fond.

Un matériel très précieux permettant aux archéologues de restituer avec exactitude les techniques de construction et le plan de la maison complète.

Des céramiques, des fers à cheval, un boulet de pierre, des chaussures en cuir et une herminette (outil de charpentier servant à tailler les poutres) ont également été extraits, tout comme du matériel tendant à prouver que l’endroit servait à la production de fer. Les rejets permettent en effet de comprendre que les occupants du site allaient chercher le minerai sans doute pas très loin et utilisaient des bas fourneaux pour extraire le fer qui était ensuite travaillé ailleurs par des forgerons.

Là encore, le site est d’une grande richesse car l’extraction du fer est une technique relativement compliquée dont on a peu de traces. Les objets trouvés et les prélèvements réalisés sur le site de Chevagnes sont essentiels pour en apprendre davantage sur l’artisanat du métal au Moyen Age.

Chaque objet trouvé a été répertorié en vue d’être analysé, tout comme les nombreux prélèvements, afin d’identifier notamment l’origine du minerai travaillé sur le site. Les morceaux de céramique ont été étudiés par un spécialiste pour en déterminer la date et la fonction par comparaison avec du matériel déjà connu. L’objectif, répondre à diverses questions : s’agit-il de vaisselle ou de bocaux de conservation ? Le site était-il un site noble ou paysan ? Urbain ou non ?

Un spécialiste des pollens est également intervenu pour déterminer le « couvert » immédiat mais aussi sur plusieurs kilomètres et répondre à la question : le site était il forestier ou cultivé ?
Ces informations ont fait l’objet d’un rapport largement diffusé car le chantier devrait alimenter la recherche archéologique nationale et internationale sur la vie au Moyen Age.

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