Des personnages illustres
Qui était Antoine Briat ?
Jeanne Briat, née à Paray-le-Frésil en 1864, donne naissance à Antoine Briat le 12 mars 1907 à Beaulon, lieu-dit « Bassigny ».
Devenu cultivateur, Antoine Briat épouse Yvonne Kiéner, femme de chambre , le 29 novembre 1952. Mariage sans descendance dissout par jugement du tribunal civil le 13 janvier 1959.
Briat est manchot, il lui manque le bras droit. Handicap de naissance ou du à un accident ? Plusieurs Garnatois accréditent la thèse d’un accident de chasse impliquant l’ablation du bras. Ainsi, François Lamouche se souvient-il que M. Henri Puzenat, qui connaissait bien Briat, lui a raconté que l’accident était survenu en chargeant un fusil à piston.
D’autres personnes de Sologne bourbonnaise l’ayant toujours connu manchot penchent plutôt pour un handicap de naissance. A ce jour, faute d’archives, aucune de ces affirmations ne peut être formellement prouvée.
Pour certains de ses contemporains, Briat était « le braconnier du siècle », pour d’autres « le plus grand braconnier de Sologne bourbonnaise ». En tout état de cause, il fut un « personnage illustre », une personnalité atypique qui a marqué l’histoire locale.
Antoine Briat a été et demeure l’objet de nombreuses rumeurs et anecdotes. De nombreux témoins racontent avec quelle adresse et quelle rapidité il se déplaçait à vélo, avec un seul et unique bras. Il est également beaucoup question, comme le montre le documentaire réalisé par Daniel Duval, des traques permanentes du garde-chasse Diry, de véritables chasse à l’homme que déjouait avec un certain brio le braconnier. Ce qui ne manquait pas d’alimenter les anecdotes et rendait finalement l’homme très « populaire ».
Daniel Duval, qui était devenu son ami, disait de lui : « Briat, c’était le braco du coin. L’homme des bois. Briat, c’était l’homme libre ; c’était ma Bardot à moi ».
Témoignage d’Henri Chervier
Le Chevagnois Henri Chervier, qui a connu et côtoyé régulièrement Antoine Briat nous a écrit plusieurs anecdotes : « Antoine Briat était un grand braconnier de notre région. Pendant la guerre 39/45, alors qu’il était recherché par les allemands, il s’est caché dans un buisson d’épine d’où il n’est sorti qu’à la nuit. Il était l’homme sans arrêt recherché par les gendarmes et les gardes-chasse et souvent incarcéré à la « Mal Coiffée ».
C’était un habitué des lieux mais il allait en prison quand ça lui convenait et pour une affectation aux cuisines. Certaines « autorités » lui faisaient avoir une autorisation de sortie pour les alimenter en gibier quand elles avaient des invités de marque ! Un certain jour, alors que Briat rentrait sur Moulins à vélo, c’était là son véhicule de travail et de livraison, les gendarmes crurent qu’ils détenaient l’affaire du siècle ! L’engin était lesté de deux énormes baluchons sur les porte-bagages du guidon et de l’arrière. Vérification faite, il s’agissait d’herbe pour les lapins. La marchandise avait déjà été livrée en lieu sûr !
Un soir, les gendarmes qui eux aussi roulaient à vélo, aperçurent Briat et se mirent à le suivre mais l’homme, qui n’avait pourtant qu’un bras mais des mollets solides, les sema, rentra dans un champ d’un brusque coup de guidon et regarda sans doute avec satisfaction la maréchaussée continuer sa route.
Il n’y avait pas franchement de mauvaises relations avec M. Maupas, garde-chasse à Chevagnes. Chacun respectait l’autre. Mais quand il voulait, la nuit, faire courir les garde-chasses, il donnait deux coups de fusil à un endroit et s’enfuyait aussitôt pour qu’ils le recherchent vainement à l’endroit du tir. C’était devenu un jeu pour lui.
Mais il avait un ennemi juré : M. Diry, garde de la propriété de Tracy. Les anecdotes foisonnent sur leur relation orageuse. Un jour qu’il comparaissait au tribunal, le président demanda au garde-chasse qui l’avait surpris : « Monsieur le garde, vous êtes formel, l’accusé tenait bien son fusil à deux mains ? », « Véridique confirma le garde » ! Il avait oublié que Briat n’avait qu’une main !
Un jour de chasse à courre, alors que la meute de chiens était lâchée, beaucoup de ces pauvres bêtes furent prises dans des collets posés par le braconnier au point que la chasse dut être stoppée.
Un autre jour, Briat se trouvait au café-tabac de Chevagnes quand le patron, qui était chasseur, discutait avec un autre nemrod au sujet du peu d’étendue qui leur était allouée pour exercer leur « art ». Briat prit part à la conversation et leur déclara que, lui, avait des milliers d’hectares à sa disposition, ce qui ne fit pas plaisir aux deux compères ! ».
Briat résistant
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Antoine Briat mit ses talents d’homme furtif et sa grande connaissance du territoire au service de la Résistance (cf l’ouvrage collectif édité par le Comité ANACR de Bourbon-Lancy, paru le 28 janvier 2011, pages 203-204).
Il fit passer, avec l’aide de quelques complices, des chevaux pur-sang, des prisonniers évadés et des civils en zone non-occupée. Des actes pour lesquels il fut honoré de la Croix de guerre avec étoile de vermeil (voir article de presse ci-dessous).
A l’heure de la retraite, il avait quitté sa maison de campagne pour emménager rue du Pont-Ginguet à Moulins. Il arrondissait ses fins de mois en réalisant ponctuellement des travaux de jardinage pour des notables moulinois.
Antoine Briat est décédé le 7 septembre 1982 à l’hôpital de Moulins. Mais son souvenir reste lui bien vivant, Briat est passé à la postérité, il est une véritable légende en Sologne bourbonnaise !
Cet article a été rédigé avec l’autorisation et en collaboration avec Bernard Briat, cousin du célèbre braconnier. Remerciements à Henri Chervier et François Lamouche pour leurs témoignages.