Des personnages illustres
Joseph Nadanowska, fils de déportée, placé dans une famille d’accueil à Gannay-sur-Loire
Joseph Nadanowska est né le 17 janvier 1938 à Paris. Sa maman, Szajndla Nadanowska, née le 15 juin 1914 à Ostrowiec (Pologne), élève seule son fils, 52 avenue de la Porte de Villiers, à Levallois-Perret.
Le 15 juin 1942, une jeune voisine de Madame Nadanowska qui gardait occasionnellement le petit Joseph, le récupère à l’école de Levallois-Perret. Arrivé à la maison, il n’y a personne. Devant l’absence prolongée de sa maman, la jeune fille conduit Joseph au commissariat de police. Après une nuit passée au poste, Joseph est confié à l’assistance publique. Il est admis le 17 juin 1942 dans le service des Enfants assistés de la Seine au titre d’enfant « recueilli temporairement ». Il a 4 ans.
Le 8 juillet, Joseph est conduit dans sa première famille d’accueil : un couple d’agriculteurs à Saint-Aubin-sur-Loire (Saône-et-Loire) où il restera jusqu’à ses 11 ans.
A 11 ans, Joseph est placé dans une nouvelle famille d’accueil : la famille Quatresous à Gannay-sur-Loire où il restera jusqu’à son départ en Algérie. Certains Chevagnois se souviennent de Joseph qui avait par ailleurs confié à son épouse que pendant sa jeunesse, il venait au club théâtre de Chevagnes.
Il n’a aucune nouvelle de sa mère et personne ne lui en parle…
En 1953, l’administration demande sa naturalisation. Son dossier est donc rouvert mais Joseph n’apprend rien de plus sur la disparation de sa maman. L’assistance publique lui adresse simplement un courrier accompagné de la pièce justificative de sa naturalisation française en 1955.
Bien que très bon élève, Joseph ne poursuit pas sa scolarité après avoir obtenu son certificat d’études en 1951. Il travaille quelques temps comme employé chez les Quatresous puis suit une formation d’horticulteur jusqu’à son départ, en 1958 _ après quatre mois de classe dans le 13e bataillon de chasseurs alpins à Chambéry _ pour l’Algérie.
En 1959, Joseph a 21 ans et devient doncmajeur. Depuis l’Algérie il écrit à l’administration pour demander des informations sur sa famille. L’assistance lui répond qu’il a été abandonné par sa mère et qu’elle n’a pas d’autre information !
De retour à Moulins en 1960, il suit une formation de grutier. CAP en poche, il entre dans une entreprise de travaux publics où il restera jusqu’en 1968, date à laquelle il obtient son concours d’entrée à la SNCF où il travaillera jusqu’à sa retraite en 1993.
Le 17 mai 1969 Joseph épouse Monique rencontrée quelque temps auparavant.
Ensemble, ils obtiennent un rendez-vous au Bureau départemental de l’Assistance publique à Moulins où ils s’entendent dire qu’on ne peut rien leur révéler sur le dossier de Joseph au motif qu’il y a eu abandon de la mère et que le secret doit être gardé.
En 1991, le couple contacte à nouveau l’assistance publique. Quelques éléments sont enfin communiqués concernant le dépôt de Joseph au commissariat de Levallois-Perret le 16 juin 1942. Il est également noté que Joseph a été transféré dans la catégorie « abandonné » en 1950 car « sa mère ne s’est jamais manifestée et n’a pas été retrouvée malgré les recherches entamées par les services compétents ».
En 1997, Joseph et Monique contactent le consulat de Pologne en France afin d’obtenir un extrait d’acte de naissance de Szajndla pour vérifier s’il n’y est pas fait mention de son décès. Szajndla n’est pas mentionnée décédée.
Les années passent et Joseph vit avec l’idée que sa maman l’a abandonné, sans savoir pourquoi. Malgré son jeune âge au moment des faits, il se souvient d’une maman douce et aimante. Est-il possible qu’elle l’ait effectivement abandonné ?
En 2004, alors qu’il lutte contre une grave maladie, Joseph regarde son épouse et trouve la force de prononcer quelques mots : « Et ma mère ? »
Joseph décède en 2004 à l’âge de 66 ans.
Par amour et par « devoir de mémoire » envers son défunt mari, Monique décide de reprendre les recherches. Petit à petit, les pièces du puzzle vont s’assembler enfin : Szajndla Nadanowska, juive polonaise, a été arrêtée le 15 juin 1942 pour « défaut de port d’insigne » ( l’étoile jaune obligatoire en zone occupée depuis le 7 juin 1942 ), internée au camp des Tourelles et transférée à Drancy le 22 juin 1942 puis déportée par le convoi n°3 à Auschwitz où elle fut assassinée dans une chambre à gaz.
Unique photo de Szajndla fournie par les Archives nationales en 2010. Trouvée dans un dossier de la police administrative (surveillance des étrangers), sans doute prise après son arrestation.
Elle découvre avec effroi que dans le bulletin de renseignement rédigé par le service des enfants assistés de la Seine lors de l’admission de Joseph, le 17 juin 1942, il est explicitement indiqué « fils de Szajndla Nadanowska, née le 15 juin 1914 à Ostrowiez (Pologne), de nationalité polonaise-juive, demeurant 52 avenue de la Porte de Villiers à Levallois, célibataire ».
Ainsi, l’administration a toujours su que la mère de Joseph était juive et qu’elle avait très probablement été arrêtée. Non seulement l’assistance n’a jamais communiqué ces informations à Joseph malgré ses nombreuses demandes, mais elle lui a toujours fait croire qu’il avait été abandonné !
L’Assistance publique a privé Joseph d’une vérité qu’ils aspirait tant à connaître. Elle l’a également privé du statut de pupille de la Nation qui lui aurait éviter de combattre en Algérie, entre autres.
« J’ai partagé avec mon mari sa souffrance et son traumatisme provoqués par la disparition subite de sa maman, mais pire encore par l’ignorance de la vérité. Cette souffrance-là, bien souvent muette, n’est pas quantifiable. Mon mari est parti, ignorant tout sur le destin tragique de sa maman, mais marqué jusqu’à la fin de sa vie par des blessures dont on ne guérit jamais, celles de l’abandon ». Monique Nadanowska.
Dès lors, Monique Nadanowska se lance dans un nouveau combat : celui de la reconnaissance et de la réparation, encouragée et soutenue par Beate et Serge Klarsfeld, président de l’association « Les fils et filles des déportés juifs de France ».
En novembre 2015, une cérémonie est organisée au Foyer de l’enfance à Moulins pour dévoilée une plaque sur laquelle on peut lire : « Centre parental départemental Joseph Nadanowska, fils de Szajndla Nadanowska juivée déportée et exterminée à Auschwitz en 1942 ».
En janvier 2016, une cérémonie commémorative est organisée par l’Assistance publique. Une plaque commémorative apposée sur le mur dans le hall du siège de l’AP-HP est dévoilée pour honorer la mémoire de Joseph Nadanowska. Un texte gravé en lettres d’or sur un marbre gris. La cérémonie est présidée par Martin Hirsch, directeur de l’AP-HP qui présente en personne ses excuses au nom de l’Assistance publique à Monique Nadanowska avant de prononcer ces quelques mots : « Joseph s’est heurté au mur du silence, qu’a cru devoir dresser l’Assistance publique entre lui et sa mère déportée, il n’est que justice que le mur de l’AP-HP honore sa mémoire, malheureusement à titre posthume ».
Monique Nadanowska a relaté toutes ses recherches et compilé tous les documents, personnels et officiels qui y sont liés dans un fascicule intitulé « L’histoire de Joseph Nadanowska – Le passé retrouvé » préfacé par Me Serge Klarsfeld. (Cliquer sur l’image pour lire le fascicule).