Des personnages illustres
Antoine et Victor de Tracy, originaires de Paray-le-Frésil, ont marqué leur époque aux XVIIIe et XIVe siècles, tant sur le plan national que sur le plan local.
Antoine Destutt de Tracy
Philosophe du siècle des Lumières, Antoine Destutt de Tracy était un descendant d’une célèbre famille écossaise venue en France au début du XVe siècle pour guerroyer avec le roi de France et bouter les Anglais hors de nos frontières. La carrière des armes se transmettait de génération en génération.
La famille est installée à Paray-Le-Frésil depuis 1640 et ses descendants y résident encore.
Antoine, né en 1754, fut très tôt orphelin. Son père, avant de mourir, lui avait fait promettre d’embrasser la carrière militaire comme tous ses aïeux. Il acquit à Strasbourg toutes les connaissances nécessaires à un jeune officier et, en même temps, son habileté dans tous les exercices du corps se perfectionna au point d’en faire un gentilhomme accompli, prêt à faire dans le monde sa plus brillante rentrée.
Il fut à la tête du régiment d’infanterie que possédait le duc de Penthièvre, oncle de son épouse Emilie de Durfort-Civrac. Cette charge ne l’empêcha pas de faire de nombreux séjours à Paray-Le-Frésil où il s’occupait de ses terres tout en développant un esprit de méditation qui a exercé sur sa vie une si longue et si décisive influence.
En 1789, le roi convoqua les Etats-Généraux. La noblesse du Bourbonnais ne se montra pas rebelle aux réformes réclamées par l’opinion publique. Antoine de Tracy fut désigné pour être l’un des trois députés de la noblesse. Il s’associa à la fameuse nuit du 4 août. Ses idées évoluèrent et il passa, plus tard, au Tiers Etat.
Maire de sa commune de Paray-Le-Frésil, il fut élu président du département de l’Allier. Plus tard, il fut nommé maréchal de camp commandant la cavalerie de l’armée du nord sous les ordres de son ami La Fayette dont le fils épousa l’une de ses filles. Il s’installa à Auteuil et fréquenta les philosophes Cabanis, Condorcet, Chénier. Mais à cette époque, il était difficile de demeurer hors du temps et le 2 novembre 1792, il se voyait appréhender en tant qu’aristocrate malgré ses idées avancées.
Emprisonné aux Carmes, il ne dut son salut qu’à la chute de Robespierre le 9 Thermidor. A sa sortie de prison, il abandonna l’armée pour se consacrer à la poursuite de la philosophie. Il devint membre du Comité de l’Instruction publique et participa à la création des Ecoles Centrales. Après avoir été en l’an IV nommé membre correspondant de l’Institut National, classe des Sciences Morales et Politiques, il entra en 1908 dans la classe de Langue et de Littérature Française . Il a écrit un traité d’idéologie toujours en vogue dans les universités. On lui doit la paternité du mot « idéologie ». Il laisse une somme considérable de travaux d’ordre philosophique et moral.
Très en avance sur son temps et critiquant le conservatisme des gens de sa condition, il prônait le divorce par consentement mutuel, s’insurgeait contre les mariages arrangés estimant que les adolescents devaient pouvoir se fréquenter librement hors de la présence des parents.
Archétype des penseurs du siècle des Lumières, émule de Voltaire, Antoine Destutt de Tracy a grandement contribué à l’évolution de la société de son époque.
Victor Charles de Stutt de Tracy
Fils d’Antoine, né en 1781, il fut dès son plus jeune âge destiné à la carrière militaire. Il entra à Polytechnique et en sortit premier de sa promotion en 1800. Il était capitaine du génie au moment de la fondation de l’Empire dont il fit de nombreuses campagnes : Austerlitz, Constantinople, l’Espagne, la Russie où il demeura prisonnier jusqu’en 1814.
Après ces faits d’armes, il fut député de l’Allier en 1822 puis nommé ministre de la marine en 1848 par le prince Louis Napoléon, président de la République. C’est entre ces deux dates qu’il se consacra particulièrement à ses terres de Paray-Le-Frésil.
Les Bourbonnais retiendront surtout de cette homme non pas ses faits d’arme, non pas sa vie politique bien remplie, non pas non plus son second mariage avec Sarah Newton, descendante du célèbre physicien anglais, mais l’œuvre entreprise sur ses terres de Sologne bourbonnaise, région argileuse et pauvre, parsemée d’étangs, de tourbières, de mauvaises prairies où paissaient des animaux malingres. Il se mit à étudier les sols et reconnut que sous sa maigre superficie gisait une épaisse couche de marne riche et fertilisante.
Il amenda les terres, combla les marécages, améliora les rendements, s’entoura de gens éclairés comme son ami Mathieu de Dombasle, inventeur de la charrue éponyme, fit venir par la voie du canal latéral à la Loire, tout nouvellement construit, des pierres à chaux concassées dans des fours dont certains sont encore visibles non loin des ports dudit canal.
Il ne tarda pas à faire des émules auprès des grands propriétaires terriens et des moines de Sept-Fons. En quelques années, ces terres changèrent totalement d’aspect et n’eurent rien à envier aux régions voisines.
Tout comme son père Antoine, il était en avance sur son temps. On retiendra qu’au cours de sa vie politique aux nombreux régimes différents, il a toujours fait preuve de modération.
Victor de Tracy était un humaniste comme en témoigne, entre autres, ses liens particuliers avec Victor Schoelcher, père de l’abolition de l’esclavage, dont il a voté la loi avec enthousiasme.
Pour en savoir plus :
● Dans la série « Ces Francs-Maçons méconnus » Antoine Destutt de Tracy, Homme de la Liberté : Auteur Georges Renault, Editions Detrad 2001.
● Antoine Destutt de Tracy, l’éblouissement des Lumières : auteur Jean Pierre Harris, Editions de l’Armençon 2009.